J'avais laissé dans l'eau tant d'obscures paroles
à la seule nature ou à toi destinées,
l'hiver est survenu qui les a pétrifiées
ces chansons pour l'oubli aux sombres auréoles.
Dans ce cristal nouveau à présent purifiés
les mots me semblent crus, eux que je voulaient fous.
Combien j'ai regretté ces rimes sur ton cou !
Sur tes lèvres cerise ô combien j'ai rêvé...
Ressonges-tu parfois lorsque craque le givre
aux timides chaleurs que dessous la façade
nous-mêmes nous vivions, écoeurés du trop fade,
du quotidien morose, et nous rêvant comme ivres,
aux transports hésitants, aux discours à demi,
à nos quinze ans qu'on fit revivre par hasard ?
Quand tant de solitude emplissait nos regards,
il a suffi d'un mot et nous avons frémi.
J'avais laissé tant d'eau, tant de terre et de ciel,
j'avais mis tout un monde entre cette autre et moi,
il t'a suffi d'un rire et j'étais sous ta loi,
il t'a suffi d'un jour et je disais C'est elle.