Quand je suis muet je l’écris, glissement grinçant du crayon qui noircit les cahiers. Alourdir le silence de ces chants ou de ces cris, peupler les lignes pâles de petits fragments d’éternité – vois, l’instant demeure quand sa raison a fui – me fait parfois trembler. Les frissons pour moteur, les sensations au bout des doigts, j’étire infiniment comme on raffine ; et le mot minéral passe de l’eau au roc. D’un moment fluide et bref créer cette idée : « toujours ».
Mais quand mes mains m’abandonnent et qu’à ma lèvre seule tient ce qui me sépare de la solitude, ce qui me lie à l’autre, la vibration toujours est là, elle n’a que changé de corde. Comme un violon qu’on essaye, ma gorge a ses ratés, ses craquelures, ses silences trop lourds. Les mots éclatent en sons vivants rien n’est figé ni maîtrisé consonnes en guerre voyelles en l’air tout se répond.
Écrire ou parler, fugue à deux tons sans arrêt reconstruite, écrire ou parler n’est rien sans l’en-dedans. Quand je couche les cris sur papier, quand j’écris à haute voix, tout est vibrant, vivant, l’instant et l’éternel pour toujours éclatant.